LES INCROYABLES REVELATIONS D'AUGUSTINE LA PROTEINE! par Michèle
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- 2 janv. 2015
- 22 min de lecture
Dites simplement à quelqu’un « Je ne mange plus de viande », et comptez jusqu’à 3 (essayez, vous verrez c’est rigolo ça marche à tous les coups) : 1, 2 , « Han mais comment tu fais avec tes protéines, alors ? »
(Heu… Ben perso je les empile, et quand j’ai rien d’autre à faire je joue un peu avec…)
Hey, décontractez-vous sur les protéines, les gars. On n’entend plus parler que de ça : les protéines - les protéines - les protéiiiiines !!!
« Oh mon Dieuuuuuuu, ai-je mangé assez de protéines aujourd’hui ?!?! »
Avant de vous poser cette question, pourquoi ne pas vous poser surtout celle immédiatement précédente : « Les protéines, ça sert à quoi ? » (Oh mon Dieuuuuuu, personne ne le sait lol !)
Les protéines sont indissociables de la construction du vivant (règne végétal tout autant qu’animal.)
Certaines protéines servent à la construction et à la réparation des tissus : c’est leur rôle le plus connu. Par exemple, dans le règne animal elles construisent les muscles, puis leur permettent de récupérer d’un effort et de se régénérer ; par contre elles ne sont pas là pour leur servir de carburant. D’autres ont un rôle dans le fonctionnement du système immunitaire, d’autres sont des enzymes (catalyseurs pour les réactions chimiques) ou encore des hormones… Des transporteurs de molécules dans le sang (transport de l’oxygène par exemple), ou des transmetteurs chimiques d’information (neurotransmission), ou facilitent les échanges intercellulaires, bref :
Un organisme aussi complexe qu’un mammifère évolué (et pas que celui des humains) recèle plusieurs dizaines de milliers de protéines différentes. En fait, nous ne savons pas exactement combien nous en possédons et toutes leurs fonctions ne sont même pas encore recensées. On suppose que les protéines d’un singe sont plus proches des nôtres en nombre et en nature que celle d’un vers de terre ou d’une asperge, mais quoi qu’il en soit les protéines qu’on aura mangées, si l’on veut se placer dans le domaine de la nutrition, ne seront jamais utilisées telles quelles - on comprendra pourquoi plus bas.
Mais en tout premier : ne confondez surtout pas le combustible de nos organismes (essentiellement les glucides mais aussi les lipides), avec les produits d’entretien ou de transmission ou même les tissus eux-mêmes de l’organisme (protéines). Retenez-bien ceci: les protéines absorbées par l’alimentation (on va les appeler protéines alimentaires pour les distinguer de celles qui sont dans nos propres tissus, sang, muscles, organes, en un mot : à pied d’œuvre dans nos cellules pour assurer leurs fonctions) ne sont pas destinées à fournir de l’énergie au corps. Elles pourraient éventuellement le faire, mais uniquement si les deux autres sources préférentiellement utilisées par nos corps comme source d’énergie : glucides et lipides, se trouvaient manquantes. Leur première finalité est clairement de nous apporter de quoi nous fabriquer NOS propres protéines (qui se renouvellent en permanence). Contrairement aux glucides et aux lipides, dont l'énergie non utilisée se stocke pour tous deux sous forme de graisse, les protéines apportées par l’alimentation ne se stockent pas : on utilise celles dont on a besoin et le reste est assez rapidement dégradé, d’où l’importance, effectivement, d’en consommer chaque jour pour alimenter notre propre turn-over de protéines internes.
Par contre, videz-vous la tête des milliards d’informations balancées à tord et à travers par les lobbies ou pubs divers et variés et revenez aux fondamentaux: une alimentation équilibrée doit fournir à nos organismes : environ 65 % de glucides, 25 % de lipides (les deux servant donc entre autres d’apport énergétique mais pas que), et seulement 10 % de protides (protéiiiiines !). Vous pourrez descendre en cordée jusqu’au fin fond du web avec vos rangers, un casque de spéléologue et une lampe frontale, je vous mets au défi de trouver des chiffres divergeant de ceux-ci de plus de 5%.
Attention, quand on dit 65 % ou 25% ou 10%, c’est en pourcentage de la ration calorique, hein, pas en volume dans l’assiette. Glucides et protides fournissent chacun 400 kcalories pour cent grammes, et les lipides, 900.
Prenons une femme, disons Gertrude. Pas de mauvais esprit les garçons, on ne prend Gertrude QUE en exemple. Allouons-lui, ce qui en général est reconnu comme besoin calorique d’une femme, 2000 kcal par jour ; ces 2000 kcalories devraient donc idéalement lui parvenir sous forme de 1300 kcalories de glucides, soit en gros 300 grammes, 500 kcal de lipides, soit un peu moins de 60 grammes, et 200 kcal de protides soit… 50 grammes.
Et oui. 50 grammes, seulement. Et c’est d’ailleurs confirmé par toutes les recommandations sérieuses, dont celle de l’Organisation Mondiale de la Santé qui affirme qu’un corps d’adulte n’a besoin que d’environ 0,8 grammes de protéines par kg de poids corporel. Gertrude pèse 60 kg, poids moyen des femmes; 0,8 x 60 kg = 48 grammes. Donc avec 50 gr, elle est laaaarge. A noter que si Gertrude prenait du poids par inadvertance cela ne changerait pas grand-chose à ses besoins en protéines, la masse graisseuse n’ayant pas particulièrement besoin de protéines pour survivre.
ATTENTION 50 grammes de protéines, ça ne veut pas dire 50 grammes de viande, mais 50 grammes de protéines ; sachant que la viande par exemple contient environ 20% de protéines. Le reste de la viande, c’est minimum 65 % d’eau (comme tout muscle), et du gras. Saturé ; c'est-à-dire celui qu’on appelle « le mauvais gras », difficile à éliminer et qui encombre les artères.
Les lentilles (autre exemple) contiennent 25% de protéines (le reste est essentiellement composé de glucides).
A titre d’information, et prévoyez un coussin parce que vous risquez de tomber sur le cul, le lait maternel humain qui est conçu exprès pour fournir à lui seul tout ce qu’il faut à un bébé pour une croissance harmonieuse et équilibrée pendant de longs mois, ne contient QUE 1%de protéines virgule des broutilles. Cela dit comme il contient pour le coup surtout de l’eau, il apporte à peine 65 kcal pour 100 grammes, dont ses 1,2 gramme de protéines (apportant donc 5 calories) ne sont pas loin de représenter effectivement 10% du total. Nourri de la sorte, en un an le cerveau d’un nourrisson va plus que doubler de volume et son corps tripler de poids. (Ca va, pas trop mal ?)
Et pour les plus méfiants d’entre vous, rappelez-vous : que donne-t-on en perfusion à un patient hospitalisé qui ne peut plus se nourrir par voie buccale ? Du glu, du glu, du glucose. (Glucide.) Pas des protéines. Contrairement aux idées reçues, énergétiquement c’est encore des glucides que notre cerveau utilise pour fonctionner. Les protéines y jouent un rôle important par exemple dans la transmission nerveuse (médiateurs chimiques : dopamine, sérotonine, adrénaline etc) mais l’énergie est apportée par les glucides.
Alors restez cool : 50 grammes de protéines, et même 60, et même 80, c’est trèèès facile à obtenir, à vrai dire il faudrait même que Gertrude le fasse vraiment exprès pour ne pas avoir ingéré 50 grammes de protéines à la fin d’une journée et je m’en vais vous le démontrer par l’absurde. Même les courgettes ou les mandarines contiennent des protéines : on l’a vu, pas de végétal sans protéines, ne serait-ce qu’un minimum : donc tous les fruits et les légumes en contiennent; en moyenne 2%. Bon 2% c’est peu, c’est vrai, mais en même temps si Gertrude tout à coup avait l’idée sotte et grenue de ne se nourrir que de courgettes il lui en faudrait beaucoup parce ça n’apporte que 50 kcal pour cent grammes. Je fais le calcul pour vous (je suis dans un bon jour), 4 kg de courgettes lui seraient donc nécessaires pour obtenir ses 2000 kcal. Mais 2 % de protéines, sur 4 kg ça fait80 grammes ! Donc je pose tout et je retiens qu’au final, du moment que la ration calorique est couverte, c’est impossible de manquer de protéines vu qu’il y a des protéines, même peu, dans à peu près tout ce qu’on mange. A moins de se nourrir d’huile, et personne ne se nourrit d’huile : faut pas pousser mémé dans les orties, quand même. (8% de protéines au passage, les orties ; qui font des soupes délicieuses. Et 13% dans les spaghetti Panzani - sans œuf- regardez au dos du paquet vous serez très surpris.)
Puis surtout, pas la peine de courir rameuter les foules végéphobes en leur disant que les végé sont tous fadas et qu’ils ne se nourrissent que de courgettes, ceci je le rappelle était juste un raisonnement par l’absurde.
Sinon à part ça, connaissez-vous réellement, en vrai, vous-mêmes personnellement autour de vous, des personnes à qui l’on ait diagnostiqué une maladie à cause d’un « manque de protéines » ? Oui ? Non ? Combien ? En revanche, l’excès de protéines est très répandu dans nos pays occidentaux et particulièrement l’excès de protéines animales, qui peut avoir des conséquences néfastes car elles produisent des déchets (urée, acide urique) dont l’accumulation peut-être nuisible (acide urique responsable entre autre de douleurs articulaires ou de calculs rénaux ou biliaires.) En outre l’excès de protéines - et là encore particulièrement animales - acidifie nos corps, qui n’aiment pas cela, et leur lutte contre cette acidification se fait au détriment (entre autre) de la calcification de notre squelette. La surconsommation de protéines animales (notamment la viande rouge) favorise le cancer du tube digestif et du colon (selon hypothèse actuelle du corps médical ce pourrait être par l’action oxydante du fer héminique qu’elle contient), et d’autres joyeusetés. Et surtout il est assez difficile de se procurer des protéines animales sans qu’elles ne soient assorties de ce fameux gras animal saturé qu'on a du mal à éliminer de nos corps et qui est responsable de tant de maladies cardio-vasculaires, en particulier par dépôt dans nos artères dont il retrécit le passage.
En résumé, à « Tu ne manges plus de viande ?!? Mais où trouves-tu tes protéines ? », j’aurais tendance à répondre « Et bien comme tout le monde, dans mes cellules. Par contre si ta question en fait est « Si tu ne manges plus de produits animaux où trouves-tu les protéines nécessaires à l’élaboration des tiennes ?» la réponse est encore plus courte : dans les végétaux. »
(Ah parce que oui, en fait je suis végétaLienne : donc ni fromages, ni poissons, ni œufs, rien qui provienne ou induise de la souffrance animale : si si, les poissons sont pas contents quand on les sort de l’eau et qu’on leur ouvre le ventre pour leur sortir les tripes, ils le disent pas mais ils n’en pensent pas moins, je vous assure, c’est maintenant officiellement démontré par les plus récentes méthodes scientifiques. Et les vaches laitières ne sont pas trèèèès heureuses non plus quand on leur enlève leur petit d’un jour, d’autant qu’elles finissent toutes leur vie égorgées et transformées en steaks hachés, ce qui n’est pas très loin de ressembler à un destin d’animal de boucherie si l’on y regarde de près. Pour les œufs c’est trop compliqué – ah ba si, je vous l’dis quand même : comme des coqs qui pondent ça court pas les rues, ils ne servent à rien dans la filière des poules pondeuses alors couic, on les tue. Des petits poussins adorables sortant à peine de leur coquille, attendus à la sortie par des sexeurs de poussins qui ne gardent que leurs sœurs. Bref. Broyés vivants. Mais bref.)
Revenons à nos moutons : quitte à prendre le risque de devenir votre idole, je vais vous apporter aussi la réponse à la question que vous auriez dû vous poser avant même de vous demander à quoi sert une protéine : Une protéine, en fait c’est quoi ? Et si vous êtes sages, on verra aussi non pas où les trouver (puisque nous nous les fabriquons nous-mêmes) mais, question plus pertinente du coup : de quoi a-t-on besoin pour pouvoir se les fabriquer.
Toutes les protéines sont des structures complexes composées d’un très grand nombre d’éléments plus petits appelés «acides aminés» liées ensemble, un peu comme des perles dans un collier. (Parfois plus de mille !)
J’ai déjà reçu pas mal de réclamations de la part des protéines alimentaires : « Oui, tu déboulonnes notre piédestal, tu nous banalises, tout ça… », là ça risque d’encore moins leur plaire car je vais carrément dévoiler leur intimité:
Les protéines sont en fait des molécules si volumineuses que celles qu’on absorbe par l’alimentation n’arrivent même pas à traverser la paroi intestinale (Hou les grosses dondons !!!): une protéine ingérée, qu’elle soit d’origine bovine, céréalière, où provenant d’un petit-pois, va donc FORCEMENT devoir se faire ratatiner le portrait pendant la digestion. Le massacre commence dans l’estomac et se poursuit dans l’intestin grêle.
Pour ceux qui croyaient qu’en mangeant un beefsteak les protéines du bœuf allaient directement se fixer sur leurs muscles d’humain… ben c’est raté. A vrai dire je l’ai cru longtemps aussi. Pour l’anecdote je me souviens avoir entendu quand j’étais jeune cette phrase qui concluait une émission sur les protéines à la radio : « En résumé, on n’a pas encore trouvé mieux pour fabriquer du muscle d’homme que de manger du muscle de bœuf. » Voilà, c’était connement clair, concis, ça s’est imprimé dans ma jeune cervelle malléable, je n’ai pas pensé, agnelle que j’étais, que cette phrase pouvait émaner d’un incompétent ou d’un vendu au lobby de l’élevage et puis comme j’aimais bien la viande ET les animaux, il faut dire aussi que la formule tombait à pic pour aider ma conscience à supporter de me voir planter ma fourchette dans des côtes de bœufs innocents. Donc cette phrase imagée m’a effectivement fait croire à l’époque que les protéines de bœuf ingérées allaient directement venir se fixer dans mes deux cuisses de grenouille d’ado pour les faire grossir (et même que cela leurs était indispensable) or c’est totalement faux ; d’ailleurs en consultant mon vieux Larousse à tout hasard hier soir après des semaines de documentation auprès de sources plus modernes, je me suis aperçue qu’il le mentionnait déjà très clairement, mais bon à l’époque j’avais d’autres concepts à découvrir dans ce fidèle dico que celui de « protéines » : onirisme, par exemple, à ne pas confondre avec onanisme, etc… Enfin voici ce que j’aurais pu trouver, si j’avais pensé à le chercher, dans un simple Larousse il y a d’jà 35 ans : « La digestion des protéines est assurée par trois enzymes agissant successivement : la pepsine gastrique, la trypsine pancréatique et l’érepsineintestinale, et cette digestion aboutit aux acides aminés, seuls susceptibles d’être absorbés par l’intestin. » Tiens regarde-la, feue ta protéine de muscle de bœuf, gros malin : tchouc, éparpillée ! Comme la fleur de pissenlit sur la couverture du Larousse. Ballot, hein ? Quel temps perdu par désinformation…
Or donc, les acides aminés ainsi obtenus après cette impitoyable mise en pièces passeront facilement la paroi intestinale pour rejoindre la circulation sanguine; que ce soit bien clair : on n’est plus du tout en présence d’une protéine, là ; la protéine a xiste déjà plus, le sang récolte juste des acides aminés vagabonds pour les acheminer dare-dare vers les très sophistiquées usines de construction que sont nos cellules. Et nos cellules, petites travailleuses infatigables, vont utiliser ces perles pour reconstruire des protéines. Mais pas les mêmes… Nos cellules humaines construisent les protéines dont notre corps a besoin, c'est-à-dire des protéines HUMAINES.
Ce qu’il faut bien retenir de tout ça, c’est qu’une protéine ingérée, EN TANT QUE TELLE est inutilisable par nos corps : 1 parce qu’elle est inassimilable, 2 parce qu’elle n’y auraitaucune fonction !
En effet : chaque organisme se fabrique les protéines propres au fonctionnement de son espèce, en fonction de son propre codage génétique. C’est intime une protéine, madame, monsieur, ça ne s’échange pas comme ça ! Une protéine, animale ou végétale, est une sorte de clef or chaque espèce possède ses propres serrures. En somme on refond les clefs des autres pour se refaire avec le métal obtenue, des clefs adaptées. C’est vous dire si la forme de la clef de départ n’a trouducul n’importance.
Vous l’avez donc compris : ce que fondamentalement nos organismes réclament pour fonctionner correctement, ce ne sont pas tant les protéines que les acides aminés qu’elles contiennent - ces pièces si précieuses à la vie que les scientifiques les décrivent comme étant à son origine. Il existe sur la planète quantité d’acides aminés - nous ne les connaissons pas encore tous non plus - dont certains même proviendraient d’autre part que de la Terre, aux dernières nouvelles, mais seuls 22 d’entre eux sont nécessaires et utiles à la synthèse protéique – c'est-à-dire entrent dans la composition du vivant ; et ceux-là on les connait, on les nomme et on sait parfaitement les identifier et les classer.
Oh pétard on peut pas être tranquille deux minutes, ici : encore un texto ! « Déjà tu nous fais passer pour des bonnes à rien, en prime tu nous traites de grosses dondons, maintenant tu parles de trou du cul – ne nie pas, on t’a entendue ! On va venir te péter la gueule, ça va chauffer pour tes enzymes !!! »
Hey calmez-vous, les filles, je n’ai jamais dit que vous n’étiez bonnes à rien, tout le monde a bien compris que vous étiez les seules à nous fournir des acides aminés, allez… Ne vous vexez pas, en plus vous êtes célèbres, on ne parle que de vous dès qu’on propose d’arrêter de tuer des animaux pour les manger: et d’ailleurs à propos ça ne vous fait rien, qu’on massacre des milliards de poulets et de cochons pour se procurer des… des… heu… des vous ?
Réponse : « Moi je suis une protéine végétale, j’te signale. Signé : Augustine »
- Pardon Augustine, autant pour moi, et bien aide-moi donc alors à expliquer ta valeur aux gens !
- Pas de problème, Michèle, je prends le relais : mais j’te préviens, la Reine-Mère du lobby de l’élevage, la Grande Prêtresse de l’obscurantisme nutritionnel ambiant, je veux parler de la légende urbaine contemporaine sur la prétendue « Supériorité des Protéines Animales », ça fait un moment que ça me démange de lui offrir un enterrement public de première classe !
- Et bien je t’en prie, défoule-toi, je te laisse la parole.
- Merci. Bon pour commencer, toutes les protéines, animales ni plus ni moins que végétales, contiennent tous les acides aminés dont tu viens de parler. Moi aussi, je les contiens tous ! Cela dit tu as parlé de 22, mais en réalité seuls 20 sont universellement distribués chez tous les êtres vivants connus : vivants végétaux comme vivants animaux.Tout ce qui naît, grandit et meurt contient ces 20 acides aminés ; les deux autres ne se retrouvent que chez des trucs bizarres style bactéries à patronyme improbable donc ça ne nous concerne pas.
- Tu peux nous en dire un peu plus sur les acides aminés, chère Augustine ?
- Oh tout à fait, c’est mon rayon puisque je ne suis faite que de ça ^-^ : les acides aminés sont faits à partir des 4 grands constituants de la matière organique : Carbone, Oxygène, Hydrogène et Azote. Certains comportent en outre des atomes de souffre, ça à la limite c’est un détail, on s’en tape. Mais tous tiennent leur nom de la présence, dans leur formule chimique, de ce qu’on appelle vulgairement une fonction amine, c'est-à-dire le groupement d’un atome d’azote avec deux atomes d’hydrogène. Un mot dans cette phrase devrait attirer ton attention : « Azote ».
- Ben oui, l’azote je connais, c’est le principal constituant de l’atmosphère terrestre !
- Je sais bien que tout le monde connait l’azote ! Mais réalises-tu que l’azote est donc au départ un gaz ?
La particularité des végétaux est d’être capables de « capter » l’azote de l’air - c'est-à-dire de lui faire quitter son statut de gaz atmosphérique - pour l’intégrer à des molécules organiques, et ce par l’intermédiaire de micro-organismes vivants en symbiose avec leurs structures racinaires. Vous humains, ne le pouvez pas. Aucun animal ne le peut. (Pareil dans les océans, d’ailleurs ; les océans brassent de l’air, d’où la présence d’azote gazeux, capté ici aussi par des micro-organismes ; ce qui a permis en premier lieu la présence d’algues, de plancton, de toute la salade marine contenant des protéines, et par voie de conséquence la présence ensuite de tout un tas de bestioles marines qui se livrent exactement au même cirque que celles du plancher des vaches : il y en a qui n’avalent que de la verdure, et d’autres qui arrivent en fouine par derrière pour les bouffer.) Cette fixation biologique de l’azote gazeux par les végétaux est d’ailleurs universellement citée comme un des processus biochimiques les plus importants sur Terre – et est donc probablement à l’origine de toute vie. (On la sent pas peu fière, l’Augustine, mais elle peut.)
- Ben dis donc tu en sais des choses, Titine…
- Lol. Donc dis à tes copains et copines qui me lisent, de bien ouvrir leurs narines parce que là ça va commencer à sentir très mauvais pour la soi-disant supériorité des protéines animales…
Si on révise tout depuis le début : toute vie a besoin de protéines ; toute protéine est faite d’acides aminés ; tout acide aminé contient (par définition !) un radical amine et donc de l’azote ; seuls les végétaux savent capter l’azote de l’air. Donc pour commencer, les végétaux sont l’unique voie initiale d’apport azoté (et donc protéique) pour tous les organismes du règne animal (veaux-vaches-cochons-couvées- baleines- crocodiles- sardines et même votre Perette et son putain de pot de lait), et en plus ils sont les seuls à synthétiser l’intégralité des acides aminés protéinogènes connus ; ils se fabriquent ensuite leurs protéines avec, dont moi ta serviteuse fait partie. Par contre le règne animal ne peut disposer d’acides aminés qu’en les puisant dans le règne végétal, ou alors en mangeant un autre animal qui a puisé les siens dans le règne végétal. Tout vient donc de ce point de départ végétal originel, et après seulement, chacun se fabrique à sa guise les protéines dont il a besoin.
- Merci Tine, c’est très clair. Mais c’est vraiment pas plus compliqué que ça ?
- Si, un peu quand même. Parce que figure-toi que ces petites perles de base, les acides aminés, ne sont finalement pas si basiques que ça. Elles sont elles-mêmes formées de divers groupement d’atomes - entre autres les fameux groupements amine, NH² ou NH3 ; H étant évidement le symbole de l’Hydrogène et N étant celui de l’Azote (histoire de simplifier la vie des collégiens ! N provenant du nom latin de l’azote: Nitrogénium. Non, qui n’est pas une garnison romaine, pétard tu peux rester sérieuse deux minutes, Michèle ?) Les molécules d’ac. aminés peuvent donc à leur tour être déconstruites par divers processus métaboliques, et les cellules animales sont capables si besoin est de récupérer la fonction amine ainsi libérée, pour synthétiser tel ou tel autre acide aminé dont elles tomberaient éventuellement en rade pendant l’élaboration de telle ou telle protéine. Il faut bien comprendre qu’une protéine c’est quelque chose de très très précis : pour chacune d’entre elles les acides aminés doivent être assemblées en nombre et en séquence bien spécifiques et sans en omettre un seul, sinon elle n’est pas fonctionnelle, elle ne sert à rien. On peut faire une analogie avec la formation des mots, et la comparaison est d’autant plus justifiée que si avec un alphabet comprenant 26 lettres on peut, en les combinant, former une infinité de mots différents, et dans plusieurs langues, on peut donc former également une infinité de protéines différentes en combinant 20 acides aminés… et ce pour chaque espèce. Si un imprimeur veut écrire « BANANE » il lui faudra bien évidemment mettre les lettres dans le bon ordre, parce que « ANNABE » ça veut rien dire; mais pour ça il lui faut avant tout avoir deux A, un B, un E et deux N. Si par malheur il n’as plus de E sous la main, il aura beau avoir plein de A, de B et de N il peut fermer l’imprimerie parce que BANAN ça veut rien dire non plus. (Banane n’est qu’un exemple, ne le prends pas pour toi.) Une cellule en cours d’élaboration d’une protéine va utiliser prioritairement les acides aminés tout prêts que le sang mettra à sa disposition, comme un imprimeur utiliserait des A, des B etc. Mais si en cours de route il lui en manque un, elle le synthétisera (le fabriquera, comme tu dis ! Mais synthétier ça fait plus pro, en biologie...) à partir d’autres - le tout, c’est qu’elle en ait sous la main. Pour imager, on pourrait dire grossièrement que si elle n’a plus de E, elle prendra un F et rajoutera une barre en bas pour en faire un E. C’est pour ça qu’on dit que les animaux (et vous) savez aussi synthétiser des acides aminés. Mais il n’y a pas de génération spontanée d’acides aminé chez les animaux (lol), il faut d’abord qu’un végétal les ait synthétisés avant et que l’animal les ait ingérés, sois directement (herbivores, végétaliens), soit en mangeant un herbivore (ou un végétalien). Tu comprends ?
- Oui oui, je te suis. On mange des protéines, du coup on récupère des acides aminés, donc de l’azote et ces fameux radicaux « amine » puis nos cellules font un peu la tambouille qu’elles veulent avec. Cependant, il y en a certains qu’on ne peut synthétiser, je suppose que tu les connais ?
- J’allais justement t’en parler: les acides aminés essentiels.
- Moi j’aurais même dit « les fameux acides aminés essentiels » vu comment on nous en rebat les oreilles.
- Ceux-là, vous ne pouvez effectivement pas les synthétiser, car ils possèdent un squelette moléculaire très spécial, dont seules les plantes sont aptes à faire la biosynthèse car cette dernière nécessite des enzymes particulières, contenues uniquement dans le chloroplaste des végétaux. {SCOOP} (et j'espère que vous avez bien lu, car c'est ici que tout s'est joué!)
- Augustine, voici la phrase exacte qui revient tout le temps, à force de la lire je la connais par cœur : «On distingue deux groupes d’acides aminés : les non essentiels et les essentiels. Les acides aminés essentiels sont au nombre de huit. Nous devons impérativement nous procurer ces acides aminés essentiels par notre alimentation car les organismes humains ne savent pas les synthétiser. » Et systématiquement suit le sempiternel refrain sur les aliments les contenants et commençant toujours par une longue énumération de produits animaux, en général viande de bœuf en tête.
- C’est « vachement » manipulateur comme formule, dis donc ! Elle est bien bonne, celle-là : « les organismes humains ne savent pas les synthétiser alors mangez du boeuf », ils voudraient sous-entendre que les bœufs, EUX, savent les synthétiser, qu’ils ne s’y prendraient pas autrement ! Genre le bœuf, il possèderait du chloroplaste ^-^. Bientôt ils vont vous parler de la synthèse chlorophyllienne par les poules aussi, non ? Pfff n’importe quoi.
- Je sais bien que c’est n’importe quoi, Augustine ! Je me suis laissée avoir au début, comme avec le mec qui disait à la radio qu’il fallait manger des animaux si on voulait avoir des muscles, mais j’ai bien compris maintenant que ces acides aminés-là, il est urgent et important que chacun le réalise, aucun animal ne peut les synthétiser NON PLUS, pas plus les vaches que les cochons que les carnivores, les oiseaux, le Père Noël ou l’abominable homme des neiges. D’ailleurs même dans les sites d’alimentation du bétail ils ne parlent que de ça : la principale préoccupation des éleveurs, c’est de savoir comment apporter ces acides aminés essentiels à leurs animaux puisqu’ils ne savent pas les synthétiser.
- Z’avaient qu’à les laisser brouter de l’herbe, dans l’herbe ils y sont tous, et en quantités parfaite, c’est pas pour rien que les herbivores mangent de l’herbe dans la nature !
- Oui mais tu sais bien que depuis qu’ils les enferment dans des hangars, ils les nourrissent avec tout sauf leur nourriture physiologique, à un moment ils leur ont même fait manger des farines animales, aux vaches…
- Nonnnnn, ils sont marteaux vos éleveurs ! Des farines animales aux vaches ? Et ça s’est fini comment ?
- Ben, avec une épidémie carabinée, ils appelaient ça « la vache folle ».
- Sont gonflés, quand même : c’est surtout eux qui sont fous… Bref et alors ils s’en sortent comment, pour leur apporter tous les acides aminés essentiels en bonne quantité ?
- Ils leurs donnent des céréales, et des légumineuses.
- Voilà, j’allais te le dire. Sont pas si cons que ça, finalement : fous, mais pas cons. Ils ont tout compris. Pour revenir un peu sur les acides aminés essentiels, les huit mousquetaires, là, je te file un tuyau mnémotechnique : Le Très Lyrique Tristan Fait Vachement Méditer Iseult. Autrement dit: Leucine, Thréonine,Lysine, Tryptophane, Phénylalanine, Valine, Méthionine et Isoleucine. En réalité il y en a deux autres, un peu à part : l’arginine, que l’être humain sait synthétiser MAIS pas toujours en quantité suffisante, et l’histidine, essentielle seulement aux nouveau-nés qui eux ne savent pas du tout le faire. Comme le vélo ils apprendront ça un peu plus tard. Les dix autres ac.aminés, les non essentiels, ne posent pas de problèmes ; du moment qu’on ingère des protéines on les aura toujours, et si par malheur il en manquait un, il serait fabriqué à partir des autres.
- OK… Et tu confirmes bien que tous se trouvent dans toutes les protéines qui existent ?
- Bien sûr : dans vos corps, dans ceux des animaux et dans toutes les protéines végétales ; seulement pas partout en quantités identiques : les céréales par exemple manquent un peu de lysine, et les légumineuses manquent elles, un peu de méthionine, mais par contre en lysine elles sont très riches : du coup, en mangeant un peu des deux, elles se complètent donc ce petit inconvénient se règle en deux coups de passoire.
- Je le sais Augustine, comment tu crois que je mange, moi ? Surtout qu’en variant aussi les fruits, les légumes, les noix etc, on varie les apports et on ne manque de rien. Puis il y a aussi le soja et le quinoa, qui eux sont carrément parfaitement équilibrés en acides aminés essentiels. Mais cette putain de formule sibylline rode dans pratiquement tous les articles de nutrition, surtout depuis que de plus en plus de gens décident de se passer de protéines animales en découvrant les réalités de l’élevage et de l’abattage des animaux : on nous la balance à tour de bras partout pour faire peur aux gens et les décourager ! Et comme les gens aiment la viande, en plus, ils s’en servent comme argument pour continuer à en manger…
- Quelle horreur. Comment peut-on tuer ou laisser tuer un animal quand on est un être humain, c'est-à-dire pas un carnivore qui lui, malheureusement, ne peut pas s’en passer, surtout avec vos magasins remplis de tous les fruits, légumes, céréales, légumineuses d’un bout à l’autre de l’année… Tiens au passage, leur viande, elle contient moins de leucine par exemple que moi, qui suis une simple protéine de pois cassé ; et toujours au passage, tu aurais quand même pu me demander d’où je venais, d’ailleurs !
- Oui pardon Augustine. J’adore les pois cassés en plus, j’en mets dans toutes me soupes de légumes depuis que je suis végétalienne ! Et ça fait des purées délicieuses, aussi, rajouté aux patates !
- Bon et bien tu penseras à moi comme ça, la prochaine fois. Enfin pour nous résumer, et ce sera l’estocade finale : sur les 20 acides aminés nécessaires à la synthèse des protéines du vivant, tous les végétaux savent synthétiser les 20 de toutes pièces (et ne se privent pas de le faire à tout bout de champs !) Note : 20/20. A l’inverse, les animaux quels qu’ils soient sont totalement tributaires de l’apport extérieur en acides aminés, grâce auxquels ils conçoivent leur propres protéines de deux façons différentes : soit en utilisant tels quels les acides aminés extraits des protéines importées (le plus fréquent), végétales pour ceux qui mangent des végétaux, ou animales pour ceux qui mangent des animaux, soit en en « recombinant » certains (mais toujours à partir de ceux ingérés, qui représentent quoi qu’il en soit leur unique apport d’azote). Donc on peut conclure qu’en la matière, les animaux se distinguent particulièrement, tous tant qu’ils sont et humains compris, par leur incapacité fondamentale à en synthétiser 8 sur les 20, pour ne pas dire 10 dans certains cas. Allez soyons large : 12/20. Et là on dit merci qui ?
- Merci Augustine ! Je ne sais pas comment te remercier de tous ces éclairages. En tout cas, au cas où les gens ne te croient pas, je viens de trouver ceci extrait d’un symposium sur la nutrition du bétail, qui s’intitule : « Équilibrer les rations pour les acides aminés : rêve ou réalité ». (Oui, tiens au fait, rêve ou réalité, on voudrait bien savoir !) : « Les acides aminés se divisent en deux catégories: les acides aminés essentiels et les acides aminés non essentiels. Bien que les deux catégories soient essentielles à la fabrication de protéines, ces qualificatifs ont été attribués selon la capacité physiologique de l’animal à les fabriquer. Brièvement, rappelons que l’animal est incapable de fabriquer les acides aminés essentiels : histidine, isoleucine, leucine, lysine, méthionine, phénylalanine, thréonine, tryptophane et valine »
- Et toc !
- Oui, et toc, comme tu dis ^^. Bonne nuit Augustine, j’ai été vraiment ravie de discuter avec toi. Et désolée si j’ai un peu tapé sur les protéines, mais tu l’auras compris c’était pour la bonne cause. Tu ne m’en veux pas ?
- Pas du tout. Je te l’ai dit, je ne comprends pas moi non plus que les gens s’obstinent à vouloir tuer ou laisser tuer des animaux aussi doux que des agneaux ou des veaux alors qu’ils pourraient s’en passer et se nourrir à la source végétale qui est là pour ça.
- Oui, ça me rend triste. Il y a un autre truc qui me rend triste, Augustine… C’est que toi aussi tu vas te faire « ratatiner le portrait » par la digestion de quelqu’un…
- Ne sois pas triste, Michèle : moi je suis faite pour ça. Je n’ai ni papa ni maman, je suis issue d’un végétal ! Je suis enfermée dans un pois cassé, une petite graine qui n’a pas de bouche, pas d’yeux, pas de nerfs, je ne cours pas, je ne grimpe pas, je ne saute pas – sauf si quelqu’un me mange : alors je deviens une partie de son corps et mes petits acides continuent leur destin…
- Bonne nuit Augustine, je ne t’oublierai jamais.
- Bonne nuit Michèle, et peut-être à bientôt ? J’irai bien faire un tour dans une de tes soupes, un de ces quatre. Comme ça nous serons… intimes.
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